Jean-Marie Girault : une leçon de politique

Le choix du Tramway a été acté par les élus du Bureau communautaire en 2021 au terme des analyses effectuées par Egis et sur la base du dossier présenté par Caen la mer, ce qui pose un certain nombre de questions :

1°) une étude préalable grossièrement tronquée 

  • Caen la mer a, en dehors de toute explication et justification, éliminé le quartier de la Folie Couvrechef de la réflexion. Nous avons réclamé à maintes reprises que ce quartier soit inclus dans la réflexion. En effet, il présente des caractéristiques qui auraient dû imposer sa présence dans le champ de l’analyse d’Egis : 
    • c’est le quartier le plus peuplé de la ville de Caen (INSEE RP 2015)
    • c’est un quartier qui héberge des pôles d’attractivité majeurs (Clinique Saint Martin, Mémorial, et bientôt le musée Gandur), plusieurs milliers d’emplois tertiaires et près de 2000 élèves (2 lycées et un collège) 
    • c’est un des quartiers qui utilise le moins les transports en commun (présentation de l’axe est-ouest du Tramway faite aux élus le 22 Avril 2022)

Comment a-t-on pu écarter d’emblée ce quartier de toute réflexion au prétexte que « le Tramway concurrencerait la ligne 2 (de bus) qui fonctionne très bien » (déclaration de J. Bruneau – Ouest France 11 Novembre 2021) ? Il est d’ailleurs remarquable que cette affirmation est maintenant démentie par le site TRAMWAY 2028 (page 30) : « des réflexions seront prochainement lancées pour résoudre la congestion de la ligne de bus 2 », congestion qui résulte du trafic routier  

  • Caen la mer a développé un projet de tracé dont une part significative n’a pas été étudiée par Egis. Il s’agit de la boucle allant de la place Guillouard au boulevard Pompidou, en passant par l’Avenue Albert Sorel, le boulevard Yves Guillou, le boulevard Detolle. 

Or cette portion du tracé est longue (3 km), et donc très coûteuse (de l’ordre de 75 millions d’euros, à ajuster en fonction du surcoût lié au passage dans l’enceinte du Lycée Malherbe avec un remblais renforcé, adapté au passage du tram), alors que son utilité peut être contestée :

En effet, cette boucle dessert un nombre extrêmement faible de bénéficiaires potentiels. (les élèves du Lycée Malherbe comme les usagers du stade nautique sont déjà desservis par le tronc commun du Tramway, dans sa bande de 500 mètres). 

Concernant les usagers des équipements que sont le Zénith, le Parc expo et le Palais des sports, l’évacuation de ces équipements (7000 places pour le Zénith et 4000 places pour le Palais des sports), ne peut reposer que très marginalement sur le Tramway (au maximum 212 places toutes les 10 minutes). Enfin, les usagers viennent de tout le département et au-delà. Seule une fraction caennaise de ces visiteurs serait éventuellement concernée par le Tramway.

2°) Une fréquentation prévue du projet incertaine et erratique … et au final très faible

Les porteurs du projet ont communiqué plusieurs fois sur la fréquentation prévue des lignes Beaulieu et Saint Contest. Ces chiffres sont essentiels pour asseoir la crédibilité du projet, la fréquentation de 30000 voyages quotidiens par ligne étant le minimum requis pour légitimer un Tramway face à un Bus type BHNS (Bus à Haut Niveau de Service).

Or, les chiffres officiels présentés par Caen la mer varient avec une telle ampleur – sans explications – qu’il est impossible de suivre les porteurs du projet :

  • Avril 2022 : le Projet apportera « 36 000 voyages quotidiens supplémentaires » 

(Tramway 2028 – sur les rails).

  • Octobre 2024 : les chiffres sont revus drastiquement à la baisse, révélant une surestimation initiale de la fréquentation de 65% : « le bénéfice en termes de fréquentation peut donc s’apprécier à l’horizon 2029 par la comparaison des deux colonnes mentionnées ci-dessus, soit une progression de 38%, ou encore 22 000 voyageurs par jour, qui quantifie précisément l’apport de l’extension à l’échelle du réseau » (courrier de CLM mis en ligne sur le site de la concertation continue). En sachant que ces 22000 voyageurs seraient répartis sur 2 lignes (Beaulieu et Saint Contest), avec donc 11000 voyageurs chacune.

L’argument invoquant la non réalisation du projet Presqu’ile est infondé dans la mesure où les estimations de voyageurs ne dépassaient pas quelques centaines par jour …

3°) Un doute sur le sérieux des analyses environnementales :

Les questions posées par la MRAe Normandie (Mission Régionale d’Autorité environnementale Normandie) le 30 août 2024 jettent un doute très fort sur le sérieux des analyses environnementales réalisées par le maître d’ouvrage Caen la mer.

  • « le choix du projet retenu par l’intercommunalité nécessite d’être davantage justifié »
  • « le dossier ne démontre pas suffisamment que le projet favorisera le report modal de la voiture individuelle » 
  • « l’étude d’impact nécessite d’être techniquement plus précise » 
  • « un bilan carbone prévisionnel complet et étayé, établi selon les modalités de calcul de l’Ademe, nécessite d’être présenté »

TRAMWAY OU BHNS ?

Oui, nous soutenons résolument – et depuis longtemps – le principe d’un projet de TCSP pour l’axe Est – Ouest, mais exigeons que le choix du moyen de transport (Tramway ou BHNS ?) soit le plus conforme aux besoins réels de Caen la mer. 

Pour cela, nous demandons un moratoire de plusieurs mois afin

  • Que l’étude confiée à Egis soit élargie au quartier de la Folie-Couvrechef et aux corridors réellement retenus pour le TCSP.
  • Que soient clarifiés les chiffres de la fréquentation prévue pour ce projet et le besoin réel de chaque branche, tant ils conditionnent le choix du véhicule retenu, sachant que le coût du Tramway est de 300 millions d’euros et que celui du BHNS est largement inférieur. 
  • Qu’une présentation comparative réaliste des coûts de chacune de ces 2 solutions (Tramway et BHNS) vienne compléter les éléments dictant le choix du mode de transport.

Xavier LE COUTOUR – conseiller communautaire Caen la mer

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