Normandy Memory : où va-t-on ?

Que porte ce projet commercial de 100 millions d’euros, prévu sur le site de l’ancienne usine SMN, et conçu par ses promoteurs comme un spectacle à l’effet « waouh » racontant la bataille de Normandie ? Quels sont les arguments opposés ? Quelles questions pose-t- il ? et comment y répondre ?

Pour ou contre ?

Pour certains, il s’agit d’un grand spectacle portant une nouvelle façon de raconter l’histoire. C’est aussi la création de 350 emplois en haute saison, c’est accompagner la ville de Colombelles dans son développement, et apprendre l’histoire de la SMN. D’autres y ont vu également un moyen exceptionnel de renforcer l’attractivité touristique de notre territoire.

Pour les opposants, et nous en sommes, ce projet limité à un spectacle de 40 minutes dominé par l’émotion n’a pas de valeur pédagogique. Pour le plus grand nombre, et en particulier les représentants des anciens combattants, il est qualifié d’« indécent », et suscite des réserves éthiques. Celles-ci sont illustrées par une phrase de Christophe Prochasson : « n’est ce pas d’ailleurs manquer du plus élémentaire respect aux combattants d’hier que de prétendre restituer leurs souffrances et les horreurs des combats sur un théâtre où tout est joué avec artifice ? »(Le Monde, 28 octobre 2023)

Des interrogations sans réponse aujourd’hui !

Il est nécessaire de rappeler que :

• la décision de vendre le terrain d’implantation du projet à ces industriels du spectacle appartient à la SEM Normandie Aménagement, suivant le contrat de concession qui lui a été accordé 
• cette décision nécessite l’avis du concédant, c’est-à-dire Caen la mer 

Quelle est la position de Caen la mer sur cette question politique ? Avant de lancer ce projet et au-delà de sa dimension éthique, primordiale, l’avis des élu.e.s de Caen la mer doit d’abord être éclairé car plusieurs questions majeures n’ont aujourd’hui aucune réponse. Elles ne les auront pas avec les classiques études d’impact industriel, limitées aux répercussions environnementales sur la faune, la flore ou sur l’eau …

• Quelles seront les répercussions du projet sur l’environnement, tant pour les riverains que pour les usagers ?
• Quel est le niveau de pollution des sols et quelle serait l’importance des travaux (et des sommes) à engager pour rendre le site capable d’accueillir ce projet et ses centaines de milliers de spectateurs ? 
• Comment gérer les répercussions sur les mobilités liées à l’arrivée prévue de 600 000 personnes sur les quelques mois de fonctionnement du spectacle ?
• Quelles seront les répercussions financières tant pour Caen la mer que pour les communes directement concernées avec, par exemple l’aménagement des espaces publics ou les réponses aux questions de sécurité ? On peut également – pour être exhaustif – interroger les retombées économiques du projet …

Mais, plus largement, il nous faut aussi répondre dès maintenant à d’autres questions : 

• Ce projet sera-t-il en concurrence avec les autres dispositifs mémoriels, notamment le Mémorial ? Les publics de Normandy Memory et du Mémorial seront-ils identiques ou complémentaires ? 
• Ce projet peut-il être une réponse à la désindustrialisation symbolisée par la fermeture de la SMN ? Le choix a été fait il y a 30 ans de recomposer le tissu économique du plateau au prix d’un effort très important des collectivités territoriales. Des infrastructures majeures ont été montées, faisant la promotion de filières d’avenir telles que la production de semi-conducteurs – activité stratégique s’il en est. Peut-on remettre en cause ces actions en profondeur et garder la cohérence de l’ensemble ? 
• Enfin, dans la perspective de la sobriété foncière qui nous est maintenant imposée, faut-il neutraliser ce site avec des investissements tels qu’un grand parking qui fonctionnera quelques mois dans l’année avec le risque de devoir consommer ailleurs du terrain agricole pour d’autres projets industriels ? 

On fonce et on regardera après s’il y a des dégats !

Lors du conseil communautaire du 16 Mai, nous avons soulevé toutes ces incertitudes, toutes ces interrogations. Elles n’ont pas suffi à convaincre Joël Bruneau, président de Caen la mer, d’accepter notre demande d’une commission préalable d’information et d’évaluation. 

Non, on y va. ! On réfléchira après, grâce aux travaux de la « commission de suivi » du projet, proposée par les promoteurs du projet. Au moins on aura de quoi mesurer les conséquences positives … ou catastrophiques.

Vous comprendrez que nous sommes opposés au projet.